Le Père Noël à la rescousse pour départager bûche et galette
Mathieu Jaegert
Cher Père Noël,
Peu habitué à t’écrire, je te prie néanmoins de croire à mon dévouement le plus constant au fil des ans au service des missions que tu délègues aux adultes de mon acabit.
Si je prends ma plume au moment où tu t’apprêtes à goûter au repos du juste, barbe taillée et hotte au placard, c’est pour nous extirper, moi et mes congénères, d’une situation quelque peu embarrassante.
J’irai donc à l’essentiel pour t’éviter d’accumuler ces heures supplémentaires qui n’ont plus de « supplémentaires » que le substantif trompeur, tellement trompeur que moi-même je me laisse induire en erreur puisqu’il s’agit bien d’un adjectif qualificatif peu gratifiant de nos jours.
Ton efficacité redoutable n’est plus à démontrer et fait office d’exemple dans de nombreux colloques sur le management. Tes sous-traitants dévoués - dont ton humble serviteur – t’épaulent chaque année un peu plus dans un souci d’amélioration continue du service. Ça fait longtemps que je crois en toi et je ne me suis jamais arrêté de croire. Je pratique comme nous tous ici, le culte fervent du cadeau. Mais cette foi s’inscrit dans des limites spatiales et temporelles que nous avons érigées sur l’autel de la consommation. Nous savons nous contenter de l’essentiel. Les menus copieux et arrosés ne s’accumulent qu’en deux jours et les cadeaux par milliers sont déposés entre la bûche et le sapin, puis déballés en moins de temps qu’il ne faut pour se souhaiter un « joyeux Noël ». Tu vois, les valeurs de Noël, les seules et uniques valables, sont entretenues : la fête, les cadeaux en nombre, la bonne bouffe. La tradition est préservée, sans doute depuis la nuit des temps. Le 25 décembre, rien que le 25.
En revanche, que dire de l’Epiphanie ? Il est de coutume de la célébrer le premier dimanche de janvier, bien plus pratique pour tirer les rois que le 6 janvier ou le 25 décembre lorsque ces jours tombent en pleine semaine. Mais je digresse. Là n’est pas l’objet de mon courrier.
Comment expliques-tu, alors qu’on sait faire court à Noël, journée des cadeaux par excellence, qu’on finisse par tirer, retirer et étirer les rois pour fêter la présentation d’offrandes de trois Rois Mages inconnus du grand public à Jésus, qui, aux dernières informations que j’ai, ne serait pas né en janvier ? Ajoute à cela l’absurde contradiction qui veut que les gens croient de moins en moins à Dieu mais de plus en plus au Père Noël, et tu obtiendras l’étendue de mon désarroi.
Les Français n’ont plus le sou pour trois cadeaux mais sont capables d’acheter et de bouffer des galettes tout le mois de janvier sans connaître l’origine de l’Epiphanie. Alors que moi, tu peux être sûr, je reste fidèle au rite spirituel du Père Noël. Je sais d’où tu viens, je connais ton parcours, même si je m’interroge.
La date du 25 décembre est-elle encore appropriée ?
Ma demande est donc simple, Père Noël. Je t’en conjure, mets à l’amende ces plaisirs briochés et feuilletés. Ou plutôt, non, pas à l’amande, ils risquent de ne pas comprendre et d’épandre une nouvelle couche de frangipane. Ou alors, consulte tes rênes et décide d’avancer Noël à une date gastronomiquement moins conflictuelle.
Tu sais, si aucune décision courageuse n’est prise, les galettes vont prendre le dessus sur les bûches. A force d’étirer les périodes de fête systématiquement dans le sens de la longueur sans donner de profondeur ni de relief, la date n’a plus de sens. Si ce n’est celui de faire croire artificiellement qu’enfin tout le monde joindra les deux bouts - de fête - lorsque Noël, l’Epiphanie et Pâques seront solidement accolées.
Manifestement et étymologiquement, l’Epiphanie devient la manifestation de l’étalement de la bêtise comme on étale la pâte pour appâter le chaland conditionné.
Je ne t’embête pas plus. Tu as compris l’impérieux besoin d’intervenir au nom de ton expérience et de ta légitimité. Etant sur le circuit depuis tellement d’années, et sans doute bien avant la naissance de Jésus, toi seul en est capable.
Bien à toi.
:-). :-)
· Il y a presque 12 ans ·mery
Après quelques vacances loin de WLW, je retrouve Mathieu: comme pour la galette avoir laissé passer un peu de temps entre deux dégustations décuple le plaisir !
· Il y a presque 12 ans ·Toujours la plume alerte et acerbe et un talent de chroniqueur qui ne faiblit pas. Moi j'ai choisi le Roi!
Et, bien sûr: bonne année !
Mireille Roques
CDC
· Il y a presque 12 ans ·Patrice Merelle
conservons la tradition de la galette car c'est la seule fois de l'année ou j'ai la chance de toucher de la galette!!! le reste de l'année c'esr vieux croûton et eau plate et j'ai aussi sur un coup de bol de cidre l'occase d'être durant une petite heure le ROI mais je n'ai jamais su de quoi???, alors qu'elle dure tout le mois ne me dérange pas, mais la question méritait d'être posée et srtout de cette manière !!!!
· Il y a presque 12 ans ·franek
Mmmm ! Délicieux et judicieux ! Inquiétude traitée à l'humour parfumé des bonnes galettes craquantes et aux brioches souples et dorées !!
· Il y a presque 12 ans ·theoreme
La seule tradition qui vaille est celle en laquelle on croit encore. Quelque soit son nom ou sa forme, car elle n'aura jamais rien de rationnel. Assez fouillée comme interrogation.
· Il y a presque 12 ans ·Lézard Des Dunes
Très bon texte fun... Le Père Noël n'est certes pas une ordure :) Mais que dire aussi qd mm du super jeu de la galette qui consiste à trouver la pièce en argent en guise de fève pour gagner un voyage??... mdr.... Et demain la poule aux oeufs d'OR...dur dur...
· Il y a presque 12 ans ·Apolline
Tradition ou pas, elle est bonne à partager cette galette... Très bon Mathieu, tu démarre bien !
· Il y a presque 12 ans ·nilo
Si on étend la dégustation de la galette durant tout le mois de janvier, c'est peut-être pour donner une chance au plus grand nombre d'avoir la fève (ou une indigestion...)
· Il y a presque 12 ans ·Chris Toffans
Excellent...à ne surtout pas mettre à l'amande! ;0)
· Il y a presque 12 ans ·nephelie
suis morte de rire !! :)
· Il y a presque 12 ans ·Poppy Kuzack
Comme d'autres, le plaisir de partager une galette (surtout à la frangipane) en famille, entre amis ou au boulot, quelle qu'en soit l'origine, me sied (comme la bûche) !-)
· Il y a presque 12 ans ·Cela dit, ton texte ne manque pas de sens et d'humour, Mathieu !
Pascal Germanaud
Saint Honoré en parlait avec une religieuse.
· Il y a presque 12 ans ·yl5
En même temps, je participe allègrement au partage pluriel et multirécidiviste des galettes !
· Il y a presque 12 ans ·Mathieu Jaegert
mon pauvre Mathieu tu es déjà débordé... Avant Noël la galette commençait déjà à prendre la place des buches.... C'est simple dans un grand hyper j'ai voulu acheté une buche glacé en ce 31 décembre vers midi et à mon grand étonnement il n'y avait plus aucune glace proposée à part en litres...
· Il y a presque 12 ans ·Toujours d'aussi bonne facture ton texte
reverrance
Moi, en parfaite amatrice de galettes, surtout les briochées parfumées eau de fleurs d'oranger, je me désolidarise de ta requête
· Il y a presque 12 ans ·. Qu'importe les rois mages et leurs cadeaux divers, encens, myrrhe et or ne font pas le poids face à ces délices gustatifs...le festif a pris le pas sur le religieux et c'est pas plus mal ! je trouve ! alors que dure tout le mois de janvier cette "coutume étirée", je le veux !
Excellent réquisitoire par ailleurs, tourné façon Mathieu, c'est à dire...feuilleté et savoureux!! tient, une fève !!!
lyselotte
Puisse cette lettre sensée être écoutée !!!On peut REVER !!!
· Il y a presque 12 ans ·En tout cas et comme en 2012 : Bravo Mathieu!
tendresse
DSK préfère tirer la bonne...!
· Il y a presque 12 ans ·phil-29