Pâtes au beurre et steak haché

« T’es virée. »

Attends, attends… On rembobine, on la refait, et laisse-moi te demander pardon :

« Pardon ?

- Oui je sais, ça te paraît étonnant, mais c’est comme ça.

- Mais… Mais… » Ne pleure pas, tu es plus forte que ça. « Mais ma période de deux mois d’essai se termine demain !

- Oui, mais tu as quand même droit à tes 15 jours de préavis.

Merveilleux, ça !

- Pourquoi ? Pas pour le préavis, hein… On m’avait dit que je bossais bien !

- Oh oui, oui, tu bosses bien, c’est certain ! Les clients t’adorent, et tu es rapide et efficace.

Silence. Ca n’est pas un motif de renvoi ça… Même pour une période d’essai.

- Ben quoi alors ?

- C’est… Toi. T’as la tête d’une fille qui a un caractère de merde, et qui sait ce qu’il se passera une fois que tu auras signé ton CDI ?

Euh… La même chose qu’avant ! J’ai peut-être une tête à avoir un sale caractère, mais je ne suis pas la reine du poker face moi !

- Je comprends pas. C’est un délit de faciès, c’est ça ?

Un comble pour une fille qui a la tronche de la parfaite aryenne. Manque plus que les tresses !

- Non, non, voyons ! Puis y’a aussi le fait que la fille de la patronne… Vous vous êtes clashées.

- Euh… non.

- Et tu as dit aussi que tu voulais des responsabilités.

- Ah bon ?

- Enfin de toute façon elle t’aime pas.

- Ouais mais c’est dégueulasse, ça ! Elle sait que j’ai besoin d’argent, la fille de la patronne ?

Soupir…

- Oui, on sait tous ça.

Là j’ai le menton qui tremble.

- Reproche-moi au moins un truc sur mon travail, que ce choix ne soit pas trop dégueulasse !

- Un truc sur ton travail, euh… Tu ne vas pas assez à la plonge.

Sans m’étaler sur le manque d’hygiène du passage de la plonge au service des plats à table, le souci c’est que c’est un mensonge.

- Oui, mais…

- Oui mais, oui mais ! Tu n’as que ce mot à la bouche ! T’es dans un restau, là, pas dans un débit d’états d’âme. Tu n’es qu’une serveuse, des bras, des jambes et un sourire.

- Ah, donc une serveuse ne pense pas ?

- Non.

- Je veux parler au patron !

- Il est en vacances pendant trois semaines.

La belle aubaine…

- C’est une blague… Une blague, une mauvaise blague…

- Non, bienvenue dans le vrai monde. Maintenant tu te pousses, s’il te plait ? J’ai d’autres gens à virer. »