L’amour est laid, l’amour est sale, mais tout ça n’a pas vraiment d’importance.

jeff-balek

Sur ce coup-là, lecteur, il faut que tu imagines, un monde en noir et blanc, contrasté, granuleux.
Il faut que tu imagines aussi que seule la couleur rouge apparait dans le film, un peu comme le refrain de mes images.

Il fait nuit, la neige tombe sur la ville. Une ville du genre Paris sans doute, avec ses rues commerçantes et ses boutiques déjà fermées.
Les réverbères, blafards, éclairent les flocons blancs.
Un type, la trentaine, marche dans cette rue. Un bouquet de roses à la main. Dans cette ville en noir et blanc, seules les fleurs des roses sont rouges. Rouge sang. Le type est heureux de toute évidence. Toi lecteur tu l’ignores, mais moi je sais qu’il veut faire une surprise à sa nana. Aller chez elle, sans la prévenir, juste pour lui offrir ses roses  rouges. Rouge sang.
Puis il s’arrête et regarde au travers de la fenêtre du premier étage d’un immeuble haussmannien. Une jeune femme brune, sa nana, robe noire moulante, épaules nues, enlace, embrasse un autre homme.

Tu retrouves le type, assis sur un banc, le bouquet à la main. Il est là depuis un moment, puisque son manteau se couvre déjà de neige. Il a la tête baissée et se perd dans la contemplation des roses qui n’ont plus de destination.
Un vieux couple, très guindé passe devant lui, et lui jette un regard de mépris.
Un homme marche, vingt pas derrière le vieux couple. Il chante, guitare à la main. Le type aux roses, ne le remarque pas, aussi sûrement que si le chanteur était invisible. D’ailleurs, peut-être l’est-il.
Le type lâche son bouquet qui tombe sur le goudron du trottoir. Dans la paume de sa main, le sang perle, rouge. Rouge sang.

Le type est dans sa voiture maintenant. Le genre de voiture qu’on peut imaginer appartenir à un jeune cadre. D’ailleurs, si tu observes bien, tu peux voir un pc portable posé sur le siège passager. Mais, c’est un détail.
Il roule depuis longtemps sur l’autoroute, il pleure, il est fatigué. Il fait encore nuit. Les feux rouges, rouge sang, des rares voitures sont sans doute pour quelque chose dans la fatigue du type au bouquet de roses rouges.

Il ne neige plus sur la plage où s’est assis  le type aux roses. Il regarde à l’horizon, mais c’est sans doute son propre horizon qu’il observe, car il ne prête aucune attention au chanteur à la guitare qui passe devant lui en chantant. En arrière-plan, une cabine de plage, blanche, rayée de rouge, de rouge sang, comme celle que l’on voyait dans les films de notre enfance.

Et puis le soleil point. Et le monde recouvre une couleur d’or. Plus de neige. Juste l’or de la lumière et du sable. Et cela fait sourire le type au bouquet de rose qui essuie ses larmes du revers de sa manche et qui se lève. Il commence à tourner sur lui-même, un peu comme un derviche, au son de la guitare du chanteur en arrière -plan. Le type au bouquet de roses rouges, rouge sang, rie maintenant.

Fin.

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