Corrida, imprécis à l'usage des non initiés

Mathieu Jaegert

Pour vous donner ma position sur la question piquante et brûlante de la Corrida, j’userais bien d’une réponse de Normand. Oui mais voilà en Normandie, la pratique est interdite. Ce qui complique les choses.

Cependant, en tant qu’alsacien profane, voire ignare, mais néanmoins installé dans le Sud-Anis depuis quelques années, j’ai eu l’occasion d’approcher le phénomène sans jamais pouvoir trancher.

La corrida de clôture de la dernière féria des vendanges m’a délivré de cette indécision pesante à la longue.

José Tomas, matador renommé, a non seulement coupé des oreilles et des queues mais a aussi coupé court à mes interrogations. De quoi lui tailler un costard digne de ce nom. A la hauteur de l’engouement qu’il a suscité et proportionnel à la valeur et au poids du déguisement qu’il avait sur le dos ce dimanche.

Jusqu’alors, j’étais prêt à tolérer l’argument bancal consistant à contrer les défenseurs de la cause animale, et rappelant que le taureau est un animal de combat, se prenant la tête et les cornes quotidiennement dans son habitat naturel avec ses congénères. Il est évident que le tarmac des arènes remplies d’une foule excitée, aficionados au long court ou de circonstances, est loin de reproduire l’habitat naturel. D’autant plus qu’il s’agit non pas d’un règlement de compte entre taureaux, une bataille qui ne regarde qu’eux. Il s’agit bien d’une mise à mort programmée et plus ou moins bien réussie par l’homme qui leur fait face.

Jusqu’alors on me répondait poétiquement, avec toute l’emphase et les métaphores d’usage dans le Sud, par la sempiternelle ritournelle autour de la culture et du spectacle. En tant qu’être doué de plus de raison que de passion, j’étais prêt à l’entendre et à l’accepter, un doute tenace dans un coin de ma tête.

Ma réponse de Normand était donc jusqu’à maintenant de fermer les yeux. Je n’interférais pas souvent dans les débats, très peu concerné par la cause des animaux et par les positions extrêmes, et enclin à admettre l’importance de ces manifestations dans les vies des autochtones. Un typique « oui et non », ou « ni oui ni non », ou encore « peut-être…ou pas ».

Mais le doute a fini par quitter son coin. Il m’a explosé à la face, m’obligeant à ouvrir les yeux et les oreilles.

José Tomas venait d’achever sa carrière à Nîmes en apothéose. Ou plutôt non, on venait de l’aider à rentrer dans l’histoire, et ce de manière artificielle. Tout était écrit d’avance. Et payé d’avance surtout. Au nom de l’Art avec un grand « a » prétentieux et élitiste mais cependant arbitraire, le torero venait de battre les records qu’on lui avait livrés sur un plateau, coupant oreilles à tours de bras et graciant dans un élan de générosité feinte un taureau valeureux. Du jamais vu !

Le public cosmopolite a exulté. Quelques heures plus tard, aux meilleures tables de la région, chacun pouvait dire : « j’y étais ».

Une vraie mascarade profitant à l’économie locale, finalement seul argument presque valable mais inavouable des pro-corridas.

D’ailleurs, ce spectacle profite à quelques privilégiés et l’élitisme en la matière relègue les gens de la basse, comme au Moyen-Age sur quelques gradins mis là de guingois. Même les nîmois fortunés ont éprouvé les pires difficultés à obtenir des places, José Tomas en ayant acheté d’un tour de passe-passe 1500 d’un coup. Il fallait au moins ça pour son jubilé…et pour que l’assistance jubile.

Mais je n’aurais pas bougé ma plume si je n’avais pas eu l’information suivante.
Bien sûr, les six taureaux abattus - ou pas - valent de l’or. Bien plus que si je les avais écrasés moi-même d’une envolée magistrale ou par une pirouette réalisée avec brio et avec ma Clio.

Ainsi, la ville de Nîmes, l’une des communes aux impôts locaux les plus élevés, a décidé par philanthropie cela va de soi, d’acquérir les têtes. La somme est évidemment dérisoire par rapport à l’élévation art-ificielle de la chose au rang d’ART. Bah voyons !

Les tronches des bestiaux seront alignées aux côtés de celles de leurs copains au musée taurin.

Or, rien ne ressemble plus à une tête de taureau qu’une autre tête de taureau, c’est bien connu.

Bon, il paraît aussi que le prix du billet d’entrée va augmenter.

J’imagine déjà les aficionados :

« L’an dernier j’ai vu l’exposition des têtes de Machin, cette année je viens pour les têtes de José Tomas »…

On se demande qui se paie notre tête !

  • Dominique j'applaudis l'effort malgré les complications à mettre des commentaires longs et malgré l'heure ! Merci !

    · Il y a environ 12 ans ·
    Sdc12751

    Mathieu Jaegert

  • Euh, je crois que c'est fini pour aujourd'hui

    · Il y a environ 12 ans ·
    Ddk9

    Dominique Deconinck

  • Cdc

    · Il y a environ 12 ans ·
    Ddk9

    Dominique Deconinck

  • Ps : c'est agaçant de ne pas pouvoir développer un commentaire en une fois

    · Il y a environ 12 ans ·
    Ddk9

    Dominique Deconinck

  • Une conclusion : ce texte est bien écrit, il évite les écueils des clichés,

    Une autre : la corrida est un reliquat du passé et non une relique.

    Je fatigue, bonne nuit à tous (sachez que j'ai qq amis qui aiment la corrida et/ou la chasse)

    · Il y a environ 12 ans ·
    Ddk9

    Dominique Deconinck

  • Suite :
    L'aspect économique ne doit pas être négligeable : le renom de la ville, le prix des places, l'argent des buvettes, les exposition, etc. le vrai challenge des villes de corrida s'est de se trouver une modernité sans ce reliquat de sauvagerie.

    · Il y a environ 12 ans ·
    Ddk9

    Dominique Deconinck

  • Suite :
    Le Courage, bien sûr mais le courage n'est qu'une qualité. Un homme peut être très courageux et méchant. Je préfère les vertus qui finalement ne se résument qu'à une seule : la bonté, non ?

    · Il y a environ 12 ans ·
    Ddk9

    Dominique Deconinck

  • Plusieurs axes pour aborder le sujet :
    La tradition, pardon La Tradition ! Ce qui a été sera. Je crois que Rome a survécu à l'interdiction des jeux de cirque par Marc Aurèle ... Il est vrai que certains pensent qu'ils a été assassiné pour ce motif. La Tradition voulait aussi qu'on brûle les sorcières jusqu'à la fin du dix septième siècle. 

    · Il y a environ 12 ans ·
    Ddk9

    Dominique Deconinck

  • Un bon texte en effet.ça me renvoie aussi à la chanson de Cabrel et au texte d'Yvette et je ne peux m'empêcher de m'identifier au taureau.Plus animale qu'être humain je m'indigne devant ce spectacle pitoyable.La jouissance de la torture quelle que soit la forme qu'elle revêt me donne toujours autantla nausée.

    · Il y a environ 12 ans ·
    Pulbo 500

    corinne-antorel

  • L'embêtant dans ce combat c'est que l'on connaît d'avance le perdant....Sinon on "achèterait" la tête du toréador, non ? Ah bon !.......Mais dans les abattoirs çà se passe autrement, sans gloire ni passion ! Bon article !

    · Il y a environ 12 ans ·
    Ma photo

    theoreme

  • Quand je travaillais à Orly, j'avais un bon collègue de Nîmes, afficionados de corridas. Il ne m'a jamais convaincu de la beauté de celles-ci et je préfère savoir le taureau en liberté dans un champ avec des vaches que considéré comme "bête de combat", enfermé dans une arêne avec devant lui un pantin (comme le chante si bien Cabrel) qui n'est là que pour verser du sang. Cette situation est vraiment affligeante...!

    · Il y a environ 12 ans ·
    10922201 10205502677102091 1480983158 n

    phil-29

  • comment peut-on parler de "vaillance" des toréadors lorsque c'est un choix. Le taureau n'a pas le choix et 24 Heures avant d’entrer dans l’arène, il est isolé dans le noir, afin que la lumière et les cris des spectateurs lui fassent peur. Ainsi le public a l’image d’une bête féroce, car il tente de fuir, et souvent fonce dans les barrières de l’enclos, alors qu’en réalité le taureau ne l’est pas. Ses cornes sont raccourcies et meulées afin de protéger le torero. Des crises de diarrhées sont provoquées par l’adjonction de sulfates dans l’eau qu’il boît, afin qu’il soit désorienté. Ses yeux sont oints de gras afin d’atténuer sa vision. Ses pattes sont enduites d’une substance qui lui donne de l’ardeur tout en le maintenant calme afin de ne pas enrayer l’action du torero. ce n'est qu'une sombre boucherie tout ça pour le "plaisir" d'un groupuscule de sadiques et pour remplir les poches de certains.

    · Il y a environ 12 ans ·
    Effet2

    mirellehdb

  • Quelle sujet! Pour ma part, je peux difficilement condamné.
    Après tout, je dévore du foie gras, j'englouti du poisson et je me délecte de la chair d'un petit veau. Tous ces animaux ont parfois une vie et une mort, que l'on pourrait qualifier d'inhumaine et tout ça pour quoi? Le plaisir des mes papilles...
    Ne serais-je pas hypocrite en m'offusquant de la mise à mort d'un animal dans une arène? Après tout, le steak dans mon assiette ne provient pas d'une vache suicidaire...
    Très bon article ;-)

    · Il y a environ 12 ans ·
    Dr  zoidberg by striderchea 92

    Benderbill

  • très bon article comme d'hab. Voici ma participation au débat

    · Il y a environ 12 ans ·
    Mariage marie   laudin  585  orig

    franek

  • bon, ben moi, je suis anti-corrida. point.
    un très bon texte, Mathieu, bravo!

    · Il y a environ 12 ans ·
    Img 0052 orig

    Karine Géhin

  • Mème que,au moyen age,il parait en Angleterre,les exécutions en place Publique,
    grosse affluence de Pic,Pocket,pendant que les badaud,s,ne loup,aient pas une miette,
    du cou,c était plus public,du jour a la nuit,du blanc,au noir,quoi,ahhh,la corrida,
    jespère,que un scopitone,coquille,vous siérra,Névada,séant,Bonne soirée a vous,monsieur.

    · Il y a environ 12 ans ·
    2012 09 07 12.19.16   copie 92

    Fil,Hip,Oohhh, 18 Rockin Cher

  • même si je suis d'accord avec toi sur le fond, je reconnais la vaillance de ces hommes qui jouent avec leur vie face à de grosses bestioles valeureuses, incroyablement rapides et réactives... même depuis les gradins, leurs cornes et leurs charges électrisent et font vibrer l'Homme Primal qui subsiste en nous ...

    · Il y a environ 12 ans ·
    Img 5684

    woody

  • Des charmes de Nîmes, on pourrait volontiers se passer de celui-là ! Pour moi, c'est non, sans discussion. Et si vous avez encore des doutes, écouter la chanson de Cabrel. La vraie, avec les phrases complètes et dans le bon ordre ;-) Elle est ciselée comme le texte de Matthieu. Est-ce que ce monde est sérieux ?

    · Il y a environ 12 ans ·
    Sampan 92

    fuko-san

  • Mathieu ne manque pas de piquant, et lors des corridas, il faut savoir manier l'esquive : l'auteur de cette bonne chronique a tout du toréador, surtout quand il met des habits de lumière à sa prose

    · Il y a environ 12 ans ·
    Moi da orig

    Dominique Arnaud

  • Je suis prête à rentrer dans l’arène avec le matador, et avec grand plaisir, je lui coupe les oreilles et la queue, il paraitra moins ridicule dans son costume de paillette. Le taureau lui est une bête qui vaut le coup d’œil à défaut de l’arlequin qui se croit malin… moi aussi ça m’énerverait de le voir gesticuler devant moi avec sa cape rouge. Mais pour donner un avis plus intime, je pense que les gens qui regardent ce sport n’attendent en fait qu’une seule chose… l’accident, le sang etc, tout comme ceux qui venaient voir le condamné qui allait se faire pendre devant eux en place publique, c’est un spectacle presque morbide, mais cela reste mon avis personnel, sinon très bon texte :)

    · Il y a environ 12 ans ·
    Fb img 1499274464706

    Intrigante

  • Ee,bien ficelé,ce fil,hein,et,Merci,pour l eau au moulin de quelques,coms,il y a pour moi,bien mieux que Cabrel,qui l a chanté,bref,un minuté gigot moceau,bien ficelé,d ailleurs,c est a l auteur d un des coms,ici présent,que je proposerai,un tit texte,clic Youtube,pour lui dire,trèproche,votre com,de BIP,la que,le zo,reil,s,et j suis de La Réunion,depuis que,BIP,en boucle,la,la,la,sur ce,ée,pas mal,ficelé encore une fois,bon et l arc Usain Play mobil,arc en ciel,monsieur,vous souhaite,une bonne soirée corrida.

    · Il y a environ 12 ans ·
    2012 09 07 12.19.16   copie 92

    Fil,Hip,Oohhh, 18 Rockin Cher

  • Par contre vive le taureau de fuego vu dans le sud
    Un faux taureau mais vrai divertissement !

    · Il y a environ 12 ans ·
    Img 0392 orig

    mamzelle-vivi

  • Définitivement contre
    Pour moi c aussi artistique qu'un combat de coqs
    L'amusement de l'homme est parfois incompréhensible
    Je n'ai d'ailleurs jamais pleuré sur ces toreros blesses au combat ... Et j'imagine un monde parallèle rempli de taureaux impassibles sacrifier des hommes ;)
    Beau texte mathieu , et pour une cause , ce qui ne gâche rien

    · Il y a environ 12 ans ·
    Img 0392 orig

    mamzelle-vivi

  • Francis Cabrel l'a bien chanté !

    · Il y a environ 12 ans ·
    Yfig signature 3 300

    yfig

  • je me suis toujours demandee pourquoi tuer le taureau a la fin, qu'a-t-il fait sauf repondre aux gesticulations d'un homme habille en costume trop moulant en paillettes et de couleurs trop vives?

    · Il y a environ 12 ans ·
    521754 611151695579056 1514444333 n

    christinej

  • Décidément non ! je n'arriverai jamais à comprendre la tauromachie !! et alors un musée???? avé des têtes de taureaux empaillées???? quel cauchemar !! affligeant !

    · Il y a environ 12 ans ·
    D9c7802e0eae80da795440eabd05ae17

    lyselotte

  • Je t'avouerais que moi aussi je pratiquais le 'ni oui, ni non" concernant la corrida mais cet été, j'ai assisté aux fêtes votives dans le Gard. J'ai beaucoup aimé me retrouver dans les arènes et voir le taureau galoper dans tous les sens en espérant qu'il en chope un au passage... Je me suis fait la réflexion que le spectacle était au rendez-vous, les gens satisfaits sans qu'il ne soit nécessaire de tuer cette pauvre bête...

    · Il y a environ 12 ans ·
    Photo  15  300

    chiarra

  • En petite fille de famille nîmoise, je sais bien ce que c'est. Enfant, cette obligation m'était plus qu'une corvée, c'était un cauchemar qui m'en faisait faire pendant des nuits. Et en plus il fallait que je dise merci...qu'on m'ait payé le billet, la robe...prêté le coussin brodé de l'arrière grand-mère pour que mon petit derrière soit mieux sur la pierre des gradins. Je n'oublierai jamais l'odeur de sang, celui des taureaux mais aussi des chevaux, la chaleur décuplant les odeurs, non plus que les bancs de viande de taureau aux halles. Horrible. Pourtant j'aurais dû apprécier, avec cette part de gênes nîmois!

    · Il y a environ 12 ans ·
    Img 1518

    divina-bonitas

  • Du grand Mathieu, net, précis et sans bavure. J'adore.

    · Il y a environ 12 ans ·
    Images

    compteferme

  • Je suis plutôt d'accord avec toi, plutôt un "ni oui ni non", puis si j'y réfléchis un peu, je me dis que c'est une histoire de friqués, et quand il y a fric il y a magouilles, j'aime pas les friqués, j'aime pas leurs magouilles, c'est donc un non catégorique. Je demande un musée avec des têtes de Toreros accrochées au mur, et les têtes de leurs riches mécènes par la même occasion. Ceci dit, j'aime le côté poétique de la chose, le combat de l'homme contre la bête, si seulement il était vrai et non truqué... J'annonce donc, si un taureau à un problème avec moi, qu'il vienne! Je lui pète la gueule! Félicitations en tout cas car tu abordes un sujet quasiment aussi piquant que les conflits moyen-orientaux ;)

    · Il y a environ 12 ans ·
    Kropotkine 150

    sergedecroissant

  • Voir plus de commentaires
Signaler ce texte