Fantasmes au bureau...

Karine Géhin

Il est là, face à moi, se dodelinant d’un pied sur l’autre.

Il a l’air vraiment paumé, je devrais l’aider. Peut-être.

Il regarde ses pieds, rougit un peu, se dandine encore.

Il est timide, et j’aime ça, il est charmant, ça me va.

Déjà plusieurs jours qu’il me regarde les yeux brillants.

Au début je pensais qu’il avait besoin de lunettes.

Maintenant je sais que si son regard scintille autant,

C’est parce que je lui ai mis la tête à l’envers.

C’est vrai, il a l’âge de mon fils, mais ça ne me gêne pas.

Je n’ai pas l’intention de céder à ses avances.

Ou alors, il faudrait qu’il y mette un peu plus de conviction.

Parce que là, présentement, ce n’est pas gagné.

Il va se décider, oui ou non, à ouvrir sa jolie bouche ?

Ou nous allons rester plantés l’un face à l’autre ?

Je veux bien que ce jeune-homme soit timide,

Mais tout de même, je ne l’ai pas encore mordu !

Au commencement, donc, il n’y eut rien d’étrange.

Des sourires pudiques, des soupirs énamourés, des regards.

Puis il s’est laissé pousser l’âme aventureuse.

Il a frôlé ma main, plus d’une fois, l’air de ne pas y toucher.

Je l’ai trouvé comique dans ses tentatives puériles

Jusqu’à ce jour béni où, à la photocopieuse,

Il s’est retourné, et que j’ai vu son petit cul.

Là, c’est moi qui me suis sentie l’âme baladeuse.

C’est qu’il a un fessier à faire se damner un saint.

Et que, d’une sainte, moi, je n’ai rien du tout.

Je lui aurais bien collé ma main au derrière, mais,

Nous n’étions pas seuls et je sais me tenir.

Mais depuis, c’est moi qui m’émerveille.

Il nourrit mes fantasmes du crépuscule au petit jour.

Je pourrais lui apprendre tant de choses…

S’il se décidait enfin à m’avouer sa flamme !

N’ai-je pas dit, il y a peu, que je ne cèderais pas ?

Qu’à cela ne tienne, je viens de changer d’avis.

S’il se décide enfin, je l’invite chez moi.

Et tiens-toi bien, petit, tu vas voir que j’ai de la ressource.

Oh mon dieu, voilà qu’il me regarde !

Personne aux alentours, je pourrai lui voler un baiser !

J’ai le cœur qui s’affole, le corps qui crie « j’ai faim ! »

Il ouvre sa bouche si mortellement sexy :

— Excusez-moi, Florence, mais je crois que je suis amoureux…

— Hugo, je m’en suis rendue compte, vous n’êtes pas discret !

— Oh, je vois. Et ça ne vous dérange pas plus que ça ?

— C’est atypique, c’est vrai, mais nous ne sommes pas banals.

— Je suis tellement heureux ! Tom n’osait pas vous le dire.

— Excusez-moi, mais…Vous l’avez dit à mon fils ?

— Quatre semaines qu’on est ensemble avec Tom.

« Alors oui, j’ai osé lui dire je t’aime ».

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