La voix de sirène.

lyselotte

La voix des sirènes.

Il pêchait,

Voguant sur les flots bleus,

Dans une barque oblongue aux voiles chamarrées,

Sur une mer tranquille parsemée de nuages.

Ses filets lentement labouraient les hauts-fonds.

Ses yeux étaient perdus dans l'immense du ciel,

Accrochant au hasard des éclats de mouettes.

Le vent dans ses cheveux comme une main de femme,

Ébouriffait ses mèches, lui donnant des frissons.

Une secousse brusque dans ses filets tendus

Le ramena sur mer en un sursaut soudain.

Il crocha ses mains nues dans les mailles-collets,

Et remonta les rets de trophées si pesants.

Au milieu des poissons, frétillant d’agonie,

Une femme-sirène le regardait, captive.

Ses cheveux bleus lavande entortillaient son corps

La parant de soie vive éclaboussée d’écume.

Une gorgone pourpre posée en filigrane

Découpait ses guipures sur ses tétons de sang.

Des perles en ceinture lui étranglaient la taille,

Ribambelle de bulles badinant sur ses hanches.

Sa queue, ornée d’écailles, pulsait comme une étoile

Sur le sombre des eaux qu'elle brassait lentement.

.

Ses yeux, comme des gouffres lui engloutirent l'âme.

Sa bouche, blessure corail, s’entrouvrit un instant…

Une pluie de rosée ruissela de ses lèvres.

-Viens avec moi, dit-elle,

Viens…

Les mots coulaient vers lui en ruisseaux sinuant…

-Viens avec moi, ta vie sera si belle,

Au milieu des dauphins et des poissons d’argent.

Il plongea dans ses yeux et dans l'écume blanche.

Sur cette terre des hommes, personne ne l'attendait.

La mer l’enveloppa, le prenant par le cou

Son souffle s'échappa...

Il se laissa couler...

Les cheveux de l'ondine le halaient vers le fond

Vers des failles marines où ondoyaient des ombres.

Il n'avait peur de rien, et s’abîmait en rond

Vers ces gouffres sans nom et leur froide pénombre.

Ses jambes étaient captives, emprisonnées, serrées

Par les cheveux lavande de la sirène pâle.

Elle se posa enfin sur le fond ensablé,

Déroula ses collets et relâcha le mâle.

-Regarde dans mes yeux, dit-elle dans une sphère,

Tes jambes sont de chair et vont devenir nacre

Tes vêtements te quittent, futiles funambules

Remontant vers là-haut, en cahots… simulacre…

Sur ses lèvres glacées, elle a posé sa bouche,

Ses mains aux doigts glacés ont erré sur sa peau,

Sa traîne d'écailles ovales s'entortille et le touche,

L’entraînant, consentant, vers des fonds abyssaux.

-Viens, viens… lui murmurait la belle,

Les mots voguaient vers lui et sa bouche entre-ouverte,

-Viens, viens, viens, lui murmuraient les algues,

Leur tapis vacillant l’aspirant vers sa perte.

-Va…murmurait le pêcheur.

Porté par le roulis des hanches de l'ondine

Son corps, sans résister, se vidait de chaleur

Accueillant dans ses veines une langueur divine.

L'écume de leurs corps jaillie de leurs froideurs

Et le vague des vagues recueilli leurs soupirs.

Il se laissa couler, consentant et sans peur

Dans cette mer des hommes où tout porte à mourir.

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