Le café des peines perdues.

janteloven-stephane-joye

C’est un endroit où l’on se perd
Qu’on choisirait comme on s’échoue
A la fois vivant et austère
Mêlant l’hideux à l’acajou
C’est un refuge, un exutoire
A toutes ces peurs noyées d’alcool
Comme ces regrets au petit noir
Quand l’humeur se joue en sous-sol
Un lieu commun au ciel éponge
Où vider les verres, les trépans
Avec comptoir pour qu’on s’allonge
A défaut d’un obscur divan
Un coin de spleen, de confidences
A la décence dévêtue
Au tout mirage délivrance
C’est le café des peines perdues
C’est un endroit où l’on se croise
Sans parfois même se regarder
Où seuls les miroirs nous toisent
Quand on a l’idée d’y plonger
Glaçant l’instant d’un sourd dévers
Aux vue des cernes apprivoisées
Qui peu à peu marquent la chair
De vies déçues et désœuvrées
C’est même un autel aux requêtes
Et aux prières les plus honteuses
Au vol baisers pris en cachette
Aux mains serrées ou baladeuses
Une île bien grise et déroutante
Où séjournent faillites et rebus
Autant que douceur décadente
C’est le café des peines perdues
C’est un endroit où l’on s’isole
Pour mieux succomber au destin
Et accepter l’aide ou l’obole
D’en partager vignes et ravins
Au péril même de s’appauvrir
De ces pudeurs voilées d’églises
Qui nous autorisent à mentir
Aux yeux du monde et des promises
C’est un toit maussade et lunaire
Où se côtoient les confessions
Où le malheur et sa matière
Font parfois place à l’abandon
Comme en ce jour de porcelaine
Où tu saisis mes doigts reclus
En m’embrassant à perdre haleine
En mon café des peines perdues.
© janteloven-stephane-joye, 17/10/2013
Signaler ce texte