Ma substance noire

tzsara

« Le corps a ses pressentiments, ses coups de poing et ses diarrhées verbales. Ce matin, mon corps déraille. Les mots se tordent dans mon ventre abject, me transpercent les tripes et s’éjectent. Ils sont aussi mous qu’un caprice d’enfant. Aujourd’hui, tu vas parler. »

Il est un temps où l’esprit perd ses pédales et où, au travers d’un baiser tordu, le cœur s’emballe pour un triste faux bond. Assise, seule, au milieu des îlots de cendres, la main frémissante et une cigarette à demi-morte, je sirote froidement ma substance noire. Je soulève mes lunettes obscures et je passe de l’autre côté de l’ombre. Tu es là ; sculpture taillée d’ivoire, tragique et impassible. Le goût de l’asphalte scintillé et le parfum secret des dessous de Paris me tripotent le ventre.

Quand l’amertume porte un nom ; elle tue. Je suis une femme sans train qui porte l’anagramme de tes yeux. La tristesse me fait du mal et me tue à coups de massue. Mes poils se dressent et les mots, soûls, s’échappent de mes pores peureux. Mon livre noir s’écrit avec des lettres agonisantes. Au bout des mots, les lettres n’ont plus de sens et à croire mes mots, d’autres peuvent très bien porter ton nom. Pourquoi donc ne portent-elles pas toutes ton malheureux visage et pourquoi ? Pourquoi diable, je ne les aime pas autant ? Redonne-moi cet espoir qui a fait que je te voie autrement.

Ma langue avale ses mots : amèrement et sans rancune. Elle balbutie des mots sauvages dont la grammaire n’y comprend mot. Ma langue te veut : passionnément, tragiquement. Elle se perd à trop te vouloir et gigote comme un torchon, tous les soirs, à la certitude qu’elle ne t’aura jamais. Moi ! Moi, je pleure, de passion ou d’ingratitude. Je pleure fidèlement tous les soirs à l’idée qu’on est deux à te vouloir. Laisse-moi pleurer mon vin et l’alcôve de mes yeux.

Quand la désillusion s’achète un manteau de vent, elle se fait aussi belle qu’un instant perdu. Quand mes yeux perdent leur livre ; ils sont aussi vides qu’un vison de cuivre. Tu t’effrites au rythme insoutenable des mots qui s’enfuient. Tout va très vite, et je m’essouffle. Quand l’amour est grand, il m’échappe des trous des yeux. Je te marque à l’encre du sang. Et je m’en vais, trainer ton ombre dans le noir. Les Dieux, du haut de leurs estrades, se moquent de moi. Ils ricanent. Et je pleure. Ils me font payer les pots fracassés de leurs éjaculations à demi-mortes. Et je suis la putain d’aujourd’hui. Et je me hais ; froidement, passionnément à en saigner du trou du cul.

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