PARIS - MARSEILLE
Guillaume
Six heures du matin. La voiture plonge dans un anonyme parking de béton. La bouche de l’escalier mécanique vomit des files interminables de passagers ensommeillés sur le quai de la gare de Lyon tandis que des trains alignés avalent leurs contingents de costumes et de tailleurs gris, de cartables et d’ordinateurs.
Doucement, le train glisse le long du quai, sur les rails, sautillant d’un aiguillage à l’autre. Juste le temps de déplier l’ordinateur portable sur la tablette trop exigüe d’une première classe qui n’en a que le tarif, et c’est Choisy Le Roi. Des échangeurs autoroutiers saturés surplombent les voies ferrées charriant des métros de banlieue couverts de graffitis aux lointains airs de Basquiat. Au milieu du ciment, de l’acier, des gravats et des chantiers à l’arrêt, emprisonnés sous les lignes à haute tension tendues en travers du ciel fermé vivent des hommes. Ils connaissent l’enfer tandis que nous relisons « A la recherche de temps perdu » à l’abri de discrètes pergolas, dans nos tranquilles provinces. Ils sont désespérés, parfois si violents comme nous le serions à leur place.
Au fil des minutes, les champs et les forêts grignotent la mégalopole qui digère les derniers lopins de terre pour y planter des rangées de pavillons proprets sans âme. Enfin, la campagne à perte de vue. Je pense, en apercevant au sommet d’une côte verdoyante une ancienne demeure seigneuriale, au duc de Berry et à ses très riches heures qui m’émerveillèrent un jour d’hiver.
De gros nuages sombres à fond plat raclent la cime des collines boisées. Le train à grand vitesse serpente au milieu de ce jardin d’Eden qu’on appelle France. Par la fenêtre défile sous mes yeux la Bourgogne, terre d’histoire, de vins et de belles bâtisses aux toits ardoisés défiant les siècles. Au loin, l’air grisé annonce l’orage.
Passe la Bourgogne, quand viennent le lyonnais et ses monts. Au-delà de la capitale des Gaules, Valence, et le ciel pommelé se pare d’une lumière que ne connaissent pas les gens du nord. Les collines s’habillent de pins et de pierraille, les nuages semblent ne plus vouloir avancer et bientôt le train franchit le fleuve.
Nous entrons dans le pays où l’on descend : le sud. C’est le Rhône, majestueux, et à ma gauche Avignon, le palais des papes et un pont incertain venu mourir au milieu d’eaux turbulentes.
Le train ralentit et une voix enregistrée annonce la Méditerranée, Marseille. Un dernier escalier mécanique me jette sur le parvis de la gare Saint Charles dans un océan de ciel bleu et de mistral ensoleillé. Perchée sur son piton calcaire, j’aperçois la Bonne Mère, le Sacré-Cœur marseillais. Je devine plus loin, par-delà l’enchevêtrement des tuiles romaines, la Cannebière et le Vieux Port, Mare Nostrum, là où tout commença, il y a deux millénaires. L’accent du chauffeur de taxi rempli de cigales m’emmène vers un rendez-vous au fond d’une banlieue. Trois heures plus tard, à l’ombre d’un grand parasol sur une place, une bière fraiche et des olives sont posées sur la table de bistrot et de jolies filles aux robes dansantes réconfortent le regard des garçons.
Ce soir, je regagne Paris et les entrailles mal odorantes d’une grande gare. Pour le moment, mon esprit s’évade dans cet autre pays que nous, gens de là-haut, regardons souvent avec méfiance et que nous aimons tant lorsque nous y flânons.
en tant que lyonnais j'apprécie doublement. Ne soyons pas chauvins ! Vive la seuneuceufeu ! Surtout les tortillards ! Bravo !
· Il y a environ 7 ans ·Gabriel Meunier
très bien écrit, bravo!
· Il y a plus de 10 ans ·elisabetha
Tres belle description du voyage en train a travers la France, belles impressions de Marseille. Tres bon texte!
· Il y a plus de 10 ans ·jasy-santo
Je lis ce texte pour la deuxième fois et je l'apprécie toujours autant pour la vitalité qu'il dégage et pour son style.
· Il y a environ 12 ans ·Frédérique Panassac
C est bon bravo
· Il y a environ 12 ans ·mery
J'ai voyagé avec toi dans ce voyage si bien décrit!
· Il y a environ 12 ans ·mscfr
Découverte de la province à bord de ce train qui perce l'air vers le Sud ! Soleil ! Et retour dans la gare au parfum de bitume et de machines froides ! Chronique de voyage ! Oui, c'est bon !
· Il y a environ 12 ans ·theoreme
beau voyage qui réchauffe.
· Il y a environ 12 ans ·janteloven-stephane-joye
Oh oui j'aime tant ce pays, quelle belle description.
· Il y a environ 12 ans ·Francesca Calvias
bienvenue chez nous:)))
· Il y a environ 12 ans ·Stefanie Opalia
Un voyage dans notre pays bien écrit, avec des émotions bien retranscrites
· Il y a environ 12 ans ·marielesmots
Du très bon...comme si on y était.
· Il y a environ 12 ans ·Mathieu Jaegert
Très sympa texte. Bon, allez, moi qui suis lyonnaise, Paris ou Marseille, comment dire...ni l'un ni l'autre. J'ai peur dans le métro parisien, mélange claustro et odeurs pénibles, bruits et mauvais souvenirs, j'ai super peur dans les taxis marseillais! Le dernier pris il y a 3 ans roulait à 120 au lieu de 90 tout en téléphonant à sa femme en tenant son portable d'une main et une fumant une clope, le tout avant de me poser avec mes bagages au milieu d'un pond point et de refuser mon billet de 100 euros alors qu'il m'en demandait 85! Il fallait que je fasse l'appoint!!!
· Il y a environ 12 ans ·divina-bonitas
bonne évocation fort bien écrite
· Il y a environ 12 ans ·Dominique Arnaud
Un trajet que je connais bien . Je ne l'apprécie pas toujours mais ce soir le voyage est bien agréable ...
· Il y a environ 12 ans ·Mireille Roques
Joli voyage, un peu court... boire l'apéro et repartir???
· Il y a environ 12 ans ·yoda
toujours sympas tes voyages ta façons de nous faire vivre tes escapades, et ton ressenti. juste une petite chose mais presque rien essaye d'aérer un peu ton texte se serai plus agréable pour l'invitation au voyage. qu'elle est la prochaine destination?
· Il y a environ 12 ans ·Nathy Drisca
Je suis Bourguignon, et dans un sens, c'est un endroit ou l'on passe, mais où on ne s'arrête pas. Sympathique récit de voyage mêlé d'histoire et de tranche de vie. Merci.
· Il y a environ 12 ans ·Lézard Des Dunes