Somnolence.

lilii

      Pâle, tirant sur le jaune, l'atmosphère maladive et des nuages qui cyanosent, le ciel s'invite, imposant sa nuance dans nos contextes ordinaires. La lumière vernit l'horizon de filtres grisonnants et les feuilles des arbres mouchetées de rouille, dans une cacophonie froissée, engourdies par l'automne, se réveillent doucement. La lueur est inquiétante dans tes yeux de louve, des pupilles scarabées comme des coquilles de jais mordorées m'imprègnent, cherchant à distinguer le pourpre sensible. Et quand le vent se lève, tiède, palpable dans tes cheveux cendrés, qu'il effleure ta peau concassée d'étoiles, moi je rêve encore.
      Ne t'en va pas si vite, si tôt, pas comme ça. Je te vois encore au milieu de ces jardins japonais miniatures, au milieu des plantes grasses, luisantes, dans ce microcosme de rêves où bulle le verre soufflé multicolore. Puis, toi seule, sait remettre un couvercle sur la tête des estropiés, sans rien dire.
      Je remonte le temps, c'est facile. J'entends encore le moteur acoustique, celui qui nous emmenait partout. Ma madeleine zig-zague dans l'huile et on en mangera tous les jours. Dans ta tour antique, il y a des appartements abandonnés et des trésors qui sentent la poussière. On court après, on ouvrira plusieurs fois les mêmes cartons, défiant les pigeons qui nous faisait si peur. Leurs yeux sont noyés de noirs et sans reflets.
      Quelque chose vient interrompre l'histoire. Je ne peux pas l'écrire sans filtres, je sais. Mais j'ai que ça pour recréer les jardins naïfs d'avant. Avant le numéro de ta chambre, t'imaginer par terre, le temps roulant sur tes épaules, à la merci des autres, une maison vide et un chat qui déprime. J'aurais voulu que tu ne tombes plus dans cette vie bien difficile et que comme les plantes, un jour, tu manques de soleil et que tu t'en irais, loin, pour refleurir ailleurs. Je crois que ça s'appelle le paradis.
      J'ai peur d'oublier tout ça, peur que l'oxygène et les perfusions aspirent ce monde qui n'est pas si lointain. J'ai peur que l'hôpital étouffe mes souvenirs d'enfant, alors, pendant que la nuit, je rêve à ce qui n'existe plus, le jour, je cauchemarde de réalités.
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