A tous ceux qui écrivent par amour (des lettres...)

Il est trois heures, mais pas de l'après-midi. Je suis là, chandelle chancelante sur sa dernière goutte de cire, le visage  éclairé d'un pâle rectangle blanc dans cette pièce si noire velours.

Je me demande...

Pourquoi suis-je assis devant cette lumière qui fige mon regard. Pourquoi mes dix doigts chassent-ils frénétiquement chaque lettre de mes pensées, pour finalement les frapper jusqu'a les faire saigner, passant du rouge au noir. Pourquoi devenir goutte d'encre noyée dans un océan de pages.

Je me demande...

Pourquoi, vous mes mains, en savez plus que moi. Pourquoi montrez-vous tout de moi sans que je puisse réagir, pourquoi me trahissez-vous. Sans pudeur, sans vergogne, vous me balancez à tous sans crier gare comme un train qui passe en retard. Pourquoi je vous laisse faire, pourquoi n'ai-je pas mon mot à dire.

Je me demande...

 Pourquoi ces deux hémisphères, berceaux d'inconscients, affolent-ils la boussole de ma nature. Je suis une forêt de questions, chaque branche m'éloigne chaque fois plus loin, impossible de m'y accrocher. Pourquoi j'aime les mots, pourquoi j'aime en écrire des petits, des grands, des gros, des beaux, des doux, en faire des jeux, les triturer, les retourner, les écarteler, les choyer, les adouber, les sublimer, les rogner, les deformer, les détourner, les dépraver.

Pour partager, faire ressentir, plaire, déplaire, choquer, provoquer, blasphémer, caresser, aimer, détester, balancer, critiquer, exuter, éructer, pardonner, s'excuser, pleurer, réfléchir, embrasser, déclarer, déclamer, vibrer, s'effrayer, s'attirer, souffrir, mourir, renaître.

Je sais pas. Je ne sais pas.. Je ne sais pas... 

Sais.

Pas... 

Pourquoi ça nous tombe dessus, pourquoi le flot des mots nous gagne, nous prend pour une éponge et nous essore. Pourquoi a-t-on envie, pourquoi ça nous ronge ou nous transfigure. Nous change en fantôme en pleine conversation, en abonné absent posé sur d'autres lèvres. Pourquoi ces histoires, ces personnages, ces paysages. Pourquoi vouloir écrire même des trucs nuls, inutiles, futiles. Pourquoi par moment mon corps à mal de souffrir ce qu'il écrit, pourquoi je ris, ou pleure. Pourquoi  je préfère écrire que dormir, pourquoi parfois vaut-il mieux dormir qu'écrire...

Pourquoi j'ai envie de biscuits.

Je ne sais pas.

je sais juste que je dois aller me coucher.

A tous ceux qui écrivent par amour (des lettres...).

CHRISTOPHE PARIS.