Drôle de syndrome
Mathieu Jaegert
Une seule ne me suffit pas. Elle et ses complices me font face, rassurantes, et me procurent les frissons de plaisir nécessaires à l'entame. Leur nudité n'est en rien dérangeante, bien au contraire. Elles semblent d'ailleurs s'en accomoder autant que j'ai besoin de les contempler avant de me lancer, comme le skieur plonge son regard gourmand dans la neige vierge de toutes traces.
Pourtant, elles font l'objet quelque peu péjoratif d'un statut contagieux que le milieu veut trop souvent leur attribuer.
J'aimerais redorer leur image car je puise tous les jours dans leur éclat blanc l'énergie et l'envie qui m'animent. Certains y percoivent le vide, un néant angoissant, j'y trouve plutôt la clarté et le reflet nourri de ces flots d'idées tentant leur chance auprès de moi. Le moment viendra bien assez tôt de les mettre en musique. En général, la possibilité de les voir se vêtir trop vite m'inquiète. Noircies anarchiquement, elles apparaissent redoutables car elles sonnent l'heure du tri et de l'organisation. C'est à ce moment que la peur s'empare de mon poignet. La peur d'en laisser quelques unes injustement ou arbitrairement de côté. C'est sans doute pour cela qu'il m'en faut plusieurs. En nombre, elles m'apportent du souffle et une capacité à aérer mon esprit encombré. Elles m'offrent dans un élan altruiste et dépourvu d'arrière-pensées, la facilité d'évacuer le trop plein de pensées bouillonnant en moi. Je peux alors les récompenser de leur fidélité.
Ces feuilles de papier si souvent associées au fameux syndrome de la page blanche, sont à la fois accueillantes et bienveillantes, mais également indispensables. A force de les remplir pour le plaisir, d'y éparpiller quelques mots, je me dois de renouveller leur présence à mes côtés. L'angoisse de manquer de pages blanches me guette souvent.
Mais je ferai en sorte de ne jamais me sentir gêné de devoir les contempler plus longtemps que d'habitude. La pression ne doit venir que de l'afflux aléatoire d'idées, de mots ou de formules, guidé par le plaisir d'écrire, et non pas, ni des prétentions que l'auteur peut exprimer, ni des exigences de personnes extérieures à son propre travail de création.
Merci pour ce partage! Superbe version de la page blanche!
· Il y a plus de 11 ans ·Alinoë
Trés subtile entrée en matière.Bravo.
· Il y a environ 12 ans ·corinne-antorel
J'aime ses lignes qui me parlent. Bravo Mathieu.
· Il y a environ 12 ans ·la-chouette-bavarde
La page blanche est belle....L'invite pour les mots qui arrivent avec tous leurs copains pour faire la fête ! Bon texte Mathieu sur ce rapport si spécial !
· Il y a environ 12 ans ·theoreme
Du tout bon, Mathieu !
· Il y a environ 12 ans ·Pascal Germanaud
C'est juste. J'aime surtout la chute, ou vous finnissez de toucher au rapport entre la main et la surface : mais qu'iront ces écrits devenir... ? Seul le trait compte, bien entendu !
· Il y a environ 12 ans ·Yannick Bériault
C'est vrai, c'est terrible, mais l'angoisse de la page blanche a fait moins de victimes que le syndrome du livre rouge.
· Il y a environ 12 ans ·Chris Toffans
bien décrit
· Il y a environ 12 ans ·reverrance
Je dessine et écrit dans des vieux agendas, c'est une façon de recycler... Et d'en faire une oeuvre d'art !!!
· Il y a environ 12 ans ·nilo
Pas de psychologie à deux sous mais j'aime bien l'idée de noircir plusieurs feuilles puis de les organiser ensuite, de les trier et éventuellement... de savoir lesquelles mettre de côté.
· Il y a environ 12 ans ·Pour plus tard ou comme à dit quelqu'un d'autre, pour le tiroir...
wen
Excellent.
· Il y a environ 12 ans ·compteferme
je ne savais pas que tu écrivais sur papier, vu ton abondante production, ça doit te coûter une fortune, d'autant plus qu'on ne peut pas recycler tes chefs d'oeuvre !
· Il y a environ 12 ans ·Dominique Arnaud
Vraiment bien trouvé, et toujours bien écrit !
· Il y a environ 12 ans ·mamzelle-vivi
les coquinettes de pages blanches ...parfois elles me narguent et je leur déverse des flots d'idées, alors noircies de mots, elles ne m’intéressent plus, je reviens aux vierges pour les infester de moi, parfois c'est anarchiques, parfois c'est ordonné mais à chaque fois c'est un plaisir extra ordinaire...
· Il y a environ 12 ans ·l'animelle
lanimelle
vraiment bien écrit. j'aime beaucoup!
· Il y a environ 12 ans ·Karine Géhin
j'écris sur des cahiers quadrillés avant de tout reprendre sur l'ordi. Sur papier, il n'y a que moi qui m'y retrouve ;-) J'ai beaucoup aimé ce texte Matthieu. C'est très très bien écrit.
· Il y a environ 12 ans ·Elsa Saint Hilaire
Le premier paragraphe, ne s'agit il pas d'une métaphore ici car on dirait que tu vas partir sur la séduction et pas sur des pages blanches ? c'est vraiment génial sinon, j'aime bien !
· Il y a environ 12 ans ·catysleep
Une autre approche de la page blanche, de l'écriture. Et j'aime votre prose.
· Il y a environ 12 ans ·Je sais que vous l'avez lu et j'insère ici un autre regard de ma page blanche.
J'ajoute même CDC perso.
Patrice Merelle
J'aime ! Un peu de la même veine que "Ce doute sournois" ou "Sans fioritures".
· Il y a environ 12 ans ·Un peu seulement... oui, les deux textes précités sont pour moi les meilleurs que tu n'aies jamais écrits, et quand on a mis la barre aussi haute, il est difficile de l'atteindre à chaque fois...
myos
joooooli ! Et bien trouvé.
· Il y a environ 12 ans ·Laurence Marie Legrand
Quelle virtuosité...
· Il y a environ 12 ans ·Intrigante
j'aime... et les notes blanches et noires de la douce musique couchée sur le papier...
· Il y a environ 12 ans ·Carole Desrousseaux