La vie par procuration.

leo

Je veux te tuer de ma plume. Arracher ton cœur comme tu as kidnappé le mien de ma femme et de mon fils.

 Tes atours de séductions ne sont plus que fonds d'écrans jaunis, consumés  de mes dégouts, cendrés de mon éternel regret. Tu as fait de moi un célibataire à ta solde. Te rappelles-tu quand tu as profité de mon mal être ? Il t'a suffit d’un instant, pour me retenir prisonnier de ton vice addictif. Tu m’as fait croire que j’étais quelqu’un. En vérité  je n’étais personne, dans ton monde parfait. Le beau était à chaque détour de ton âme. Tu m’as égaré dans tes saisons, dans la nuit de tes jours, coupé de mon monde d’appartenance. En précipitant  le temps, tu m’as donné l’illusion d’être immortel et je l’ai cru.

 Tu m’as d’entrée de jeu présenté à tes amis qui étaient sous ta coupe, religieusement. Ils m’ont vanté tes mérites, tes mythes. Ils m’ont confiés tes secrets. Ils m’ont enseignés les stratégies à adopter pour ne jamais te perdre. J’ai  pensé tout apprendre de toi, te maîtriser pour garantir notre réussite et écarter mon échec. En perverse absolue, tu n’as eu de cesse de te réinventer. Tu m’as emmené si loin au large que je me suis noyé en toi. Tu me pilonnais du nombre d’heures que je passais dans tes bras. Tu as fait croître ce chiffre avidement afin que je n’eusse plus jamais le courage de repartir en arrière. Je suis devenu le général de tes batailles inutiles. Tu m’as conditionné pour tuer sans vergogne. Tu étais le cerveau et je suis devenu ton exécutant, par faiblesse, par dépit.

 Tu as fait de moi un animal. Tu m’as souillé d’immobilisme afin que je ne regarde personne d’autre que toi.  Tu m’as engrossé de bouffe répugnante pour que je ne te quitte pas; qui donc voudrait de moi à présent ? Espèce d’ordure !

 Tu m’as coupé de mes mots que j’aimais et chérissais. Tu m’as ôté le langage afin que personne ne puisse connaître la portée de ton crime. Tu as falsifié le détail de mes sentiments en raccourcis désuets. Un émoticône devant résumer le contenu de mon cœur, de mon âme. Tu as jeté à la poubelle toute trace de mon passé et tu as réécrit  ma langue maternelle. Jusqu’à pousser le vice  à éradiquer le mot « MOI » par un artefact douteux au même nombre de lettres.  Tu as vulgarisé ma colère, lui enlevant son accent de gravité. Tu as maté ma rébellion en inversant des syllabes. Je me souviens désormais qu’à chacun de tes mensonges, je peux opposer un simple « pas du tout ». Tes « désolé » doivent être écrits à hautes et intelligibles lettres. Qui peux donc accepter des excuses de trois méprisantes lettres ? Les « bises » et les « je t’aime » doivent être pareillement allongées, à la portée réelle de l’affection que l’on témoigne. Quant à tes câlins, ils se résument bien, effectivement, à la façon dont tu l’écris. Avec un « un ». Moi, seul. Me branlant frénétiquement, dès que tu me faisais part de ton contentement.  

Tu ne me fais plus rire ! Tiens en parlant de rire, pourquoi avoir raccourci l’anglais « Laughing Out Loud » à ses simples initiales ? Pourtant phonétiquement le rire sans le « E » en français fonctionne aussi ? La vérité, c’est, qu’en me faisant oublier ma patrie, tu as voulu me faire renoncer à mon honneur. La tienne de  patrie, c’est mon argent et moi, en consommable. Tu avais planifié dès le début de me jeter quand je ne serais plus rentable et tu y es presque arrivé. Tu m’as fait abandonner mon travail et tu m’as tout fait vendre afin que je préserve notre relation quotidienne.

Vois-tu ? Ton grand huit a déraillé, car aujourd’hui c’est l’anniversaire de Niels ! Tu sais ? mon fils. Celui que tu m’as fait oublier depuis deux ans maintenant. Je me souviens de chaque parcelle de son prénom, chaque lettre épelée en mairie, de ma fierté d’avoir ce petit bonhomme dans ma vie. Même les chiffres de sa naissance étaient inscrits en toutes lettres. Les tiens, de chiffres, ceux de notre rencontre, de notre parcours, de nos caractéristiques sont gravés au piolet. Tu as fait de moi un transfuge glacé, promis à la mort certaine, à trop avoir fermer les yeux. A m'être coupablement endormis, au lieu de lutter.  

Les lettres permettent de ne jamais se tromper sur le temps qui passe. Je me suis fourvoyé sur ton compte, sur ma force aussi. J’ai trahi mes vraies responsabilités. J’ai tout simplement voulu croire que dans une autre vie, il n’y aurait plus d' emmerdes. Mais sans elles, je prends CONSCIENCE que nous ne sommes plus rien… Adieu !

Léo a quitté

 

 

- Vazi Kestu fou la ?

- Put1 on voi r1, on é sur le boss en + !*

- Le ouf i ve + joué a WOW… **

- T inkiet c l’anniv de son fils mé dem1 y sra la !

- T sur ?

- Ben oué c chac ané la mem choz !

- cool

- :-)

FIN

*C’est ennuyeux, on ne voit plus le monstre de fin de niveau que l’on est en train d’essayer de battre.

**Le fou, il veut cesser de jouer à World of Warcraft (un jeu en réseau comprenant plusieurs millions de membres)…

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