Le violon de dame

tzsara

« Mon violon jure sur le coup de son archet de la douleur de mon âme. Et moi, je jure sur tes quatre coups foireux, de la profondeur de mon mal. »


« Ecris, m’a-t-elle dit, l’air de rien ou de tout dire. Écris ! J’ai envie de te lire. N’écris pas noir ! Change de couleur ! Écris-nous l’amour. » Je me suis tue. Et puis, j’ai ri. J’ai écrit, malgré moi je t’aime et c’était plat. J’ai écrit je t’aime. Et c’était drôle, vide et incertain. J’ai écrit je t’aime passionnément. C’était sec et ingrat. Ca ne rimait à rien. Et pourtant, avec l’autre, j’étais créateur de musique. Les mots s’auto-pensaient différemment. Ils sortaient de mes tripes. Et je vomissais mes cendres à chaque lettre. Mon bas ventre parlait le langage d’Alexandre. Et tout était grand ; vide ou incertain. Les mots s’auto-dictaient ; sombres et profonds. Je n’avais même pas besoin de parler d’amour. Tout se lisait sur mon corps. Et puis aux mouvements de mes entrailles. Et puis à la couleur de mon âme. Tout était cruel et veineux ; anal et ardent, brutal et brûlant.

 L’ombre de tes doigts cajole le bout de mon âme. L’instant d’après me vole d’ores et déjà le bonheur à venir. Je ne suis qu’un état d’âme sans l’ombre d’une femme, une mort enjôleuse qui nous trimballe à grands coups de bâton et de morsures. Etalée sur un tas de débris, vide de toi et de mes cendres, je survole les bouts de nous ; éparpillés dans la chambre. L’archet du violoncelle tire des sons mélodieux ; tire très fort et prolonge ma mort. Le son du violoncelle châtie les cœurs meurtris ; les cœurs et leurs déboires ; ivres ou morts d’avoir donné un peu trop de leurs corps. Il n’est rien de plus beau que le cri d’une femme ; un son qui pleure son crin à chaque toucher. Un crin qui se perd par passion ou par désespoir. Une musique qui s’envole et un air qui se réfugie dans les demi-silences des notes en bémol. Le tout dans un cri qui déchire l’âme. Et puis les chairs. Et puis les souvenirs. Et puis les rayons de lumière.

Les rayons de lumière charrient les écumes de toute sorte de choses. Les brouetteurs passent et ramassent les déchets et quelques chagrins perdus. Ils balaient les instants d’après, les éclats de rire, les brins désenchantés et des morceaux de peau ; vifs ou écorchés. Toi ! Toi, tu tires aussi fort que le poussé de l’archet. Et ce genre de ricochet ne se joue pas sur les quais de Paris. La Seine porte les notes très loin ; loin des bariolages disharmonieux. Sol - ré - la - mi - mi - la - ré - sol. Tromperie et diversion. Les vapeurs terrestres et mes douleurs souterraines se réveillent délicieusement en moi. L’air gémit et me disperse dans tes bras. Je te veux encore. Alors achève-moi. Je te prends ou te perds ; le ventre vide. Et je meurs en toi si c’est à ce prix qu’il faut t’appartenir.

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