Ah! Les pieds!

Colette Bonnet Seigue

                A vrai dire, je n'aime pas mes pieds, trop fins, trop grands, ils n'en finissent pas ! J'ai l'intime impression de marcher derrière mes pompes ! Quand ils s'allongent démesurément,  je ne sais plus où les mettre !

En revanche, malgré leur longiligne forme, mes pieds  à la moindre sérénade ont la swingomanie et la twistomanie ! Alors là, ils font des pieds et des mains pour que je les ré-apprivoise. Ainsi, ils se font de velours ou de soie.

Un soir de tango argentin, la musique préférée de mes pieds qui, pour l'heure, ressemblaient trait pour trait à ceux de mon cavalier, souples, dociles, élévateurs (oui !oui ! j'ai bien dit élévateurs ! Car ces mandibules sont souvent terre à terre.) Eh ! bien ! Cette nuit-là, j'étais si fière de prendre mon pied ! Les deux, étaient de biche !  A terre ils prenaient pied ! Hop ! Un lever de jambe par ci, un autre par-là, nous étions en totale cohésion, en osmose cosmique au pied de la lettre ou plutôt de celui de mon hidalgo !

                Mais voilà le drame, à peine remise de mes singulières élévations, au pied levé, un autre cavalier s'imposa. Lui, avait sans aucun doute le pied éléphant et je ne sus plus sur quel pied danser  quand il  marcha sur mes pompes !

Pauvres petons !  A ce moment, ils dépassèrent vraiment les bornes ! Je ne voyais plus qu'eux, toujours trop maladroits, taciturnes, tellement en avant que les arpions de ce pachyderme  n'arrêtaient pas  d'écraser sans vergogne leurs durillons ! Il se confondait en excuses, mais tenace, recommençait !  Un tango sauvage, à la diable, façon zoulou !!!Je crus me voir  les pieds devant !

                C'est qu'ils y prenaient goût  ces panards disgracieux à l'écrasement de mes chers nougats en compote.

                En fait, c'était  à ma personne qu'il s'intéressait. Alors, illico, en lui faisant un pied de nez,  j'ai mis les pieds dehors en prenant mes jambes à mon cou !

               

Signaler ce texte