Je te tutoie

Un tapis de nervures qui se crispent et craquent sous mes pas, chemin vacillant qui ondine et bruisse par peur d'être effleuré. Encore. Il y a des ronces fragiles et des herbes lasses qui se laissent faner et nos souffles froids entremêlés qui s'abandonnent aux troncs décimés. Ruines de mousse et pierres fossiles où tempêtent des souvenirs de brume. Je regarde les zébrures d'automne courir sur ma peau, et au détour d'un sillon boisé qui me retient dans la nuit, encore je te tutoie. Nos contours forment des alcôves nostalgiques, drapées de labyrinthes hagards où il fait bon s'égarer. La pluie qui clapote sur l'ardoise du toit, recouvre les murmures de la clairière de nos soupirs et je me noie dans des rigoles d'eau qui ruissèlent de nos visages amers. Je me terre dans les tiroirs de nos secrets, entre l'ébène et l'acajou, nichée entre les dentelles et les pétales froissés et encore, je te tutoie. J'ai froid de bouts de laine en mèches qui étincellent et embrasent les plaines d'élans. Il fait Octobre, et mes mains abîmées de suie plongent au cœur des cendres tièdes. Il fait automne et tristesse, mais quand ton rire s'élève et filtre au travers des branchages du temps, encore je l'entends et je te tutoie. Nos bourrasques fougueuses, craquant les brindilles de nos réserves, ce vent décharné de raison, tissé de désirs s'effeuillant, encore je sens sa caresse et je te tutoie. Il y a la sonnerie stridente du téléphone qui déchire l'aube azurée, et quand sur le cadran s'affiche ton numéro, encore…Je ne te réponds pas.